Mardi seulement, d’abord Éric Duhaime s’indignait sur sa page Facebook du fait que la campagne des paniers de Noël soit devenue la campagne des Paniers de l’espoir en ajoutant : « La guerre contre Noël se poursuit ? Le panier de Noël rebaptisé « panier de l’espoir » ? Personnellement, cette rectitude politique crasse me donne bien peu « d’espoir » pour l’avenir du Québec… » Et Chapleau, dans sa série les belles bouilles de Noël mettant en vedette Manon Massé, qui dit à son tour: « Le Père Noël ! Un homme blanc qui exploite des lutins racisés et qui n’a aucun LGBT parmi ses rennes ! »
Est-ce que notre rectitude politique atteint même les publicitaires? Est-ce qu’on est en train de ‘tuer’ l’esprit des fêtes à coup de « bien penséisme »?
Les publicités de Noël d’avant sont-elles si différentes des publicités des Fêtes d’aujourd’hui? Ce petit glissement sémantique en dit quand même beaucoup sur certains « ajustements » que nos publicitaires ont dû faire. Mais, en gros, nos publicités des Fêtes ont-elles vraiment changé ? Voici quelques constats sur cette période toujours aussi névralgique pour les marketeurs ; immigrations, pluralité des pratiques religieuses, place moins grande de la religion majoritaire dans le quotidien du groupe majoritaire… tout semble militer en faveur d’une diminution de l’importance de Noël et du Jour de l’an dans notre société.
1. Les budgets consacrés aux publicités de la période des fêtes augmentent ici comme aux États-Unis ou en Grande-Bretagne et ce, même si on parle de « Holidays » aux États-Unis et de « Christmas » en Grande-Bretagne. Les publicités du temps des fêtes sont presque autant attendues que celles du Superbowl ! Mais les budgets…
a) …se déplacent dans le temps. Avant 2007, il y avait deux moments forts aux publicités des Fêtes : le magasinage des Fêtes, où les publicités débutaient début en novembre pour atteindre leurs sommets autour du 10 au 15 décembre (sprint de Noël) et, ensuite, les rabais du
boxing day. Depuis, s’ajoute le Vendredi fou (Black Friday), ce qui a créé deux phénomènes indissociables : le devancement des achats… et le devancement des budgets publicitaires. (voir graphique plus bas : maintenant, on dépense plus en octobre et en novembre qu’en décembre).
Phénomène intéressant : les publicités du Vendredi noir n’utilisent peu ou pas la symbolique traditionnelle des Fêtes. Pourquoi ? Parce que la majorité des achats faits durant le Vendredi fou NE SONT PAS DES CADEAUX DE NOËL. Il ne faudrait surtout pas créer de la dissonance cognitive chez notre client potentiel en lui « imposant » la logique de Noël sur un achat qui est, en fait, pour lui-même. Donc, bien des budgets de la période des fêtes ignorent Noël.
b) …se divisent entre plus de plateformes. Si vous pensez qu’on voit plus de publicités de Noël qu’avant, ce n’est pas faux : c’est seulement qu’on n’utilise pas toutes les plateformes où elles se trouvent. Le digital provoque un déplacement des budgets, ce qui nous donne peut-être l’impression que notre télévision traditionnelle est moins dominée par la thématique des fêtes.
c) …se concentrent selon la plateforme. Les plateformes ont leur spécialité. Le Web (bandeau, insertions dans les sites Web, comme la radio) sont des médias de promo (prix et nouveautés). La télé, YouTube, Instagram sont des médias où on mise sur le créatif et l’émotion. YouTube est devenu LA référence en matière de succès des publicités de Noël puisque la plateforme est idéale pour découvrir en temps réel la popularité de chacune d’entre elles. La publicité de John Lewis Man on the Moon diffusée en 2015 a, à ce jour, récolté plus de 29 millions de vues et celle de Sainsbury ‘s
Mog’s Christmas Calamity en a récolté, à son tour, 38 millions.
2.Les symboles changent… mais l’objectif reste le même.
a) Des symboles en baisse. Ici comme aux États-Unis, on tente de tasser le judéo-chrétien du contenu. On enlève la crèche sous le sapin, mais le sapin reste. Le père Noël moderne prend la place de Saint-Nicolas. Les Noëls d’antan sont disparus (la grande tablée, la famille éloignée, le grand rassemblement). Pourquoi ? Ça ne correspond plus à ce que les gens vivent. On mise plus sur la petite famille et les moments plus intimes et chaleureux que sur le gros festin. Les analyses sur les publicités des Fêtes affirment que celles sur les animaux de compagnies sont devenues bien importantes… tout comme celles sur les bébés. Dans la publicité de Sainsbury’s Mog’s Christmas Calamity, le personnage principal est un chat. Depuis quand le chat s’est-il immiscé dans la symbolique de Noël ? Cela donne assurément du poids à la maxime qui dit que les chats seront toujours vainqueurs sur le Web… Néanmoins, on mise moins sur le faste que sur le cocon familial. Un thème récurrent dans les publicités de John Lewis est d’ailleurs d’effacer toute trace de l’image de marque et de se concentrer sur l’histoire pour attirer l’attention des gens. La plus récente campagne de l’entreprise se concentre sur l’histoire d’un petit garçon et son amitié avec un monstre imaginaire vivant sous son lit. Encore là, le rapport à Noël est moins évident. Quelques annonceurs font toutefois un léger clin d’œil à cette période de l’année, comme Rival Marks and Spencer qui a mis en vedette le Paddington Bear trébuchant sur un cambrioleur qu’il confond avec le Père Noël.
b) Des pubs attendues. Les publicités des Fêtes sont là pour nous « donner le moton », pour faire monter l’émotion. Par exemple, dans un récent sondage effectué en Grande Bretagne, 47 % des répondants ont avoué avoir été émus aux larmes par une publicité de Noël qu’ils ont entendue ou vue, et 33% des Britanniques ont dit attendre avec impatience les publicités de Noël et les anticiper même plus que la sortie d’un film. Souvenez-vous comment on attendait les publicités de Coca-Cola de Noël… et bien, aujourd’hui, on attend celle d’Apple.
3. D’autres cultures « adaptent » les Fêtes à leur façon.
Nous présentons de plus en plus notre période des fêtes dans ses aspects les moins religieux, ce qui permet, à travers le temps, que d’autres cultures puissent l’adapter à leur réalité. Combien de publicités et de contenus parlent de la période du congé scolaire, du « aller jouer dehors », de la sortie de gros blockbuster.
En gros, peu de choses ont changé. Noël est une fête de famille et de la consommation. Et comme le marketing carbure aux rituels, celui des Fêtes fonctionne aussi bien qu’hier.
Sources
John Lewis 2016 et 2017
https://www.youtube.com/watch?v=sr6lr_VRsEo
https://www.youtube.com/watch?v=iccscUFY860
Marks & Spencer 2017
https://www.youtube.com/watch?v=KfaSxIkLslE
Apple 2016 et 2017
https://www.youtube.com/watch?v=K1kl7qJDmw4
https://www.youtube.com/watch?v=1lGHZ5NMHRY
Voir aussi : https://www.adassoc.org.uk/campaigns/the-holiday-adverts-are-coming/
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Nombre de publicités par catégorie de juillet à décembre aux États-Unis : 2015